Bulletin électronique du CCC –
http://www.autisme.be – Septembre 2010
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Les problèmes d’alimentation chez les personnes atteintes d’autisme
Partie 2-3/3Thomas Fondelli
Thomas Fondelli Etudes en psychologie, post-graduat en psychothérapie (Interactie-
Academie, Anvers).
Formations théoriques et pratiques et des suivis dans des établissements. Il travaille aussi à
mi-temps comme psychothérapeute, spécialisé dans l’accompagnement des jeunes et
adultes.
Manger est pour la majorité d’entre nous une activité quotidienne et tout à fait
ordinaire. C’est une activité simple. Ceci n’est pas le cas pour de nombreuses
personnes atteintes d’autisme. Beaucoup ont des problèmes d’alimentation. Cet
article essaye d’éclaircir certaines questions…Nous mangeons toujours dans une certaine situation…Jusqu’à présent nous avons seulement parlé des stimuli provenant de la nourriture
que nous mangeons.
Néanmoins nous ne mangeons jamais dans le vide, mais toujours dans une certaine
situation. Nous nous trouvons souvent dans une pièce entourée d’autres personnes.
Nous mangeons à l’aide de couverts métalliques ou plastiques, assis à une table.
Parfois il y a de la musique en arrière fond, etc.
Chaque élément est une cause potentielle de nouveaux stimuli devant être
sélectionnés et traités. Et le traitement de ces stimuli peut aussi être une nouvelle
difficulté pour les personnes atteintes d’autisme.
Les difficultés à traiter l’information et les stimuli venant de l’environnement de la
personne atteinte d’autisme peuvent avoir, de deux façons, une influence sur leurs
problèmes d’alimentation:
D’une part elles peuvent avoir une influence directe car elles influencent la
perception qu’on a de la nourriture. Certaines odeurs peuvent ainsi influencer ce que
l’on goûte.
Elles peuvent, d’autre part, avoir une influence indirecte car elles deviennent une
cause de stress chez les personnes atteintes d’autisme. Certaines personnes
atteintes d’autisme peuvent avoir beaucoup de stress lorsqu’elles se trouvent dans
un environnement envahi de stimuli divers. Ceci peut à son tour influencer l’appétit
(le stress étant souvent la cause d’un manque d’envie de manger ou de la perte de
toute motivation à manger), mais aussi la signification liée à l’activité « manger ».
Manger est alors associé à quelque chose de ‘désagréable’, ‘stressant’, ‘pas gai’,
‘quelque chose à éviter à tout prix’.
Les problèmes d’alimentation chez les personnes atteintes d’autisme ont jusqu’à
présent, dans cet article, été expliqués sous l’angle sensoriel, plus précisément du
point de vue de l’hyper sensibilité sensorielle. Terminer cet article ici serait aborder la
question de façon trop limitée. D’une part parce que nous n’avons pas encore
expliqué pourquoi une personne a des problèmes d’alimentation. D’autre part parce
que trop peu de conseils ont été présentés jusqu’à maintenant.
La partie suivante essaye d’y remédier en expliquant comment la théorie sur la cécité
contextuelle chez les personnes atteintes d’autisme peut y contribuer. De plus une
première tentative est lancée afin de réfléchir à l’approche à envisager envers les
problèmes d’alimentation.
Une façon de penser détaillée et hyper réalisteD’après la théorie de la pensée autistique la façon de traiter l’information chez les
personnes atteintes d’autisme est différente de celle des personnes sans autisme.
Non seulement en ce qui concerne le filtrage des stimuli mais aussi en ce qui
concerne le traitement de ces derniers. Leur façon de penser est plus détaillée et
hyper réaliste. Cet article donne deux pistes mettant en avant l’influence de la
pensée autistique sur les problèmes d’alimentation chez les personnes atteintes
d’autisme.
La perception
Vous êtes vous déjà posé la question pourquoi vous mangez toutes sortes d’aliments
sans la moindre crainte ? Vous faites vos courses, vous achetez un paquet de poires
et vous en mangez une sans la moindre appréhension. Pourtant vous ne connaissiez
pas cette variété et personne ne vous a garanti à l’avance qu’elle serait bonne et
mangeable.
La raison pour laquelle vous en avez croqué une sans la moindre crainte est que
votre façon de penser est conditionnée par votre expérience. Résumons cette façon
de penser, afin de ne pas se perdre dans de nombreuses terminologies scientifiques,
par le terme « la capacité de s’imaginer » (Vermeulen,2005a,2005b,2006). Les
lecteurs voulant en lire plus pourront en apprendre d’avantage en parcourant la
littérature traitant de la cécité contextuelle (Vermeulen, 2007 & 2009).
Notre capacité à s’imaginer nous permet de voir plus loin que le singulier d’une
situation mais aussi d’apercevoir le lien. Cette capacité nous permet aussi de voir les
choses invisibles. Le fait d’acheter des poires au magasin est possible car le concept
poire n’est pas neuf pour nous. Bien que chaque poire soit différente, on peut
s’imaginer qu’il y ait un lien entre cette poire-ci et celles qu’on a déjà mangé.
Certains détails qui différencient cette poire d’une autre ne nous empêchent pas de
faire le lien entre les poires du magasin et celles qu’on a connues ailleurs.
En plus nous savons bien ce qui fait qu’une chose soit reconnue en tant que poire.
Même des indices moins visibles à l’oeil nu, mais que nous savons nous imaginer.
Ainsi nous savons, par exemple, que les poires sont blanches et juteuses à l’intérieur
et qu’il y a des pépins que nous ne sommes pas obligés de manger. Etc.
Cette capacité à s’imaginer nous donne un sentiment de sécurité. Nous ne sommes
pas obligés de tout redécouvrir pour la première fois mais nous pouvons nous fier à
ce que nous savons déjà, ce que nous avons déjà vécu et nous en remettre à ce que
nous supposons.
Ceci est souvent différent chez les personnes atteintes d’autisme: Elles ont un
manque de capacité à s’imaginer. Elles lient ce qu’elles comprennent plus aux
détails et à ce qui est visible. Ainsi pour en revenir à notre exemple des poires : les
enfants atteints d’autisme n’aiment pas ‘les poires’ mais aiment ‘les poires ayant une
forme bien spécifique, une couleur bien spécifique ou/et une odeur bien spécifique.
De même, certains détails doivent être présents afin d’avoir un sentiment de sécurité.
Les personnes atteintes d’autisme n’ont donc plus aucune garantie que ce qu’elles
mangent soit comestible si justement ces détails spécifiques venaient à changer.
La maman de Charles lui avait annoncé qu’à midi, elle lui servirait des haricots.
Seulement lorsqu’à midi Charles vit apparaître les haricots, il les refusa obstinément.
Les haricots étant coupés n’étaient plus des haricots pour Charles.L’exemple ci-dessus montre bien la conception que Charles s’est fait des haricots. Il
n’a aucun concept de ce qu’est un haricot. Il s’est laissé guider par les détails : des
haricots ne sont pas coupés. Charles ne peut s’imaginer que les haricots dans son
assiette font partie de la catégorie ‘haricot’. Il n’est pas non plus en état de s’imaginer
que les haricots coupés ont probablement été préparés de la même façon et auront
donc le même goût que les haricots non coupés.
La maman de Charles préparait toujours deux valises lorsque Charles partait au
camp. Dans l’une elle y mettait tout ses habits. Dans l’autre elle prévoyait un pot de
choco, une boite de cornflakes, du lait, et des biscuits. Tous d’une marque bien
spécifique. Charles refusait toute autre marque.C’est le même principe ici. De nombreux enfants atteints d’autisme se fixent sur une
seule boite, sur une marque unique afin d’avoir une certaine sécurité, d’avoir
certaines garanties. Il ne s’agit pas de l’image dans sa globalité sur la boite de
cornflakes mais plutôt d’un certain détail tel que le coq ou de la lettre « N » sur le pot
de Nutella. Une simple variation de l’un de ces détails spécifiques peut suffire pour
que l’enfant refuse de manger.
Comprendre la situation
Il est étonnant de voir la somme d’efforts que les écoles et établissements font afin
d’adapter leur méthode d’apprentissage et de travail à l’autisme. Il est plus
surprenant encore d’observer la façon dont les personnes atteintes d’autisme dans
ces écoles et établissements sont “abandonnées” dans les réfectoires à l’heure du
repas. Ces personnes n’y ont souvent aucun point de repère. Rien ne leur y indique
ce qu’elles doivent y faire, comment, combien de temps et que faire après le repas.
Pourquoi les méthodes d’apprentissage et de travail sont elles si bien clarifiées ? Et
pourquoi pense t-on qu’à l’heure du repas tout devient évident et spontané? Nos
propres normes et valeurs en sont probablement la cause et rendent les moments du
repas si évidents pour nous.
Nous ne réfléchissons plus lorsque nous mangeons. Nous mangeons jusqu’à six
repas par jour et ceci est une évidence pour chacun de nous. Nos repas sont
souvent d’agréables moments de convivialité. Nous savons ce qui est de la
nourriture et savons fort bien ce que nous pouvons manger et jusqu’à quelle quantité
en manger.
Les repas sont pour de nombreuses personnes atteintes d’autisme des moments
difficiles. Cet activité exige par conséquent autant d’adaptations et de clarifications
que n’importe quelle autre activité. Les personnes atteintes d’autisme ont , en raison
de leur manque d’imagination, beaucoup de difficultés à trouver des réponses aux
questions telles que ce qu’il faut faire lors du repas, comment, combien de temps et
que faire lorsqu’on a terminé ? Un manque de clarification engendrera donc des
problèmes de comportement tout comme il peut y en avoir lors de toute autre activité
trop peu clarifiée. Les personnes atteintes d’autisme ne sont donc pas en état
“d’apprendre” à manger lorsque cette situation leur paraît désordonnée. Ceci est
pareil à n’importe quelle autre activité tel que les moments d’apprentissage ou de
travail qui peuvent être trop peu clarifiés.
Conclusion
Traiter les problèmes d’alimentation chez les personnes atteintes d’autisme n’est pas
évident. Cet article ne peut donc pas expliquer toutes les causes possibles, ni fournir
toutes les solutions existantes. Cet article peut, tout au plus, être une incitation à de
plus amples recherches et investigations en la matière.